Merci, mon amour, d’avoir inclus l’Inde comme passage obligatoire de notre tour du monde parce que, à quinze ans, on t’appelait patchouli.

Merci, mon amour, de t’être chargé de la planification de cette étape du tour du monde. Tu as fureté sur le net, consulté des guides, pris des conseils et finalement, grâce à toi, je passe un très bon moment au pays des hindous. L’Inde, nous avait-on prévenus, on l’aime ou on la déteste (ou les deux à la fois). Pour ma part, après quinze jours, je l’aime. Tu as ta part de responsabilité là dedans. Tu as choisi d’aller au sud du pays où, pour de multiples raisons, la vie est plus facile pour le touriste moyen. Nous n’avons jamais souffert de la foule (sauf peut-être dans un bus ou deux), nous n’avons pas eu à esquiver les arnaques, nous n’avons pas été harcelés par des faux mendiants ou des enfants exploités, nous avons reçu des tonnes de sourires, des poignées de main, des demandes de selfie, des conseils désintéressés, un covoiturage gratuit neuf heures et des «where do you come from » en veux-tu, en voilà.

Merci, mon amour, d’avoir enduré cette laborieuse traversée du pays d’est en ouest. Malgré ton mal des transports, nous avons enchaîné trois rickshaws, six bus et deux voitures cumulant 37 heures de trajet en une semaine au bas mot, dont un bon 40% sur des routes de montagne. Tout un exploit. J’ai eu mon moment de plaisir quand j’ai pris le volant dans les montagnes Nilgiris; jusqu’à ce qu’on crève. Grâce à toi, conduire en Inde et faire un face à face avec un bus en montagne c’est fait.

Merci, mon amour, d’engranger avec moi de nouvelles compétences de backpackers. Notamment celle de faire sa route dans ce pays où personne ne fournit un service clé en main. Les options de transport sont nombreuses, mais qu’elles soient gouvernementales ou privées, il faut glaner soit même les informations une à une pour faire un choix. Ici, pas d’agence de voyages qui vend cinq options de transport avec pickup à l’hôtel et transferts inclus. Chacun vend son produit sans vous parler de celui du voisin (j’exagère un brin, mais pas beaucoup). Si je parle de transport, je dois évoquer le train même si nous ne l’avons pas encore pris. L’administration, serviable mais procédurière, qui y règne en maître et l’agitation des nombreux candidats voyageurs tentant de dompter cette bête ont déjà eu raison de nous par deux fois. Peut-être essaierons-nous à nouveau avant de partir, sur un malentendu ça pourrait marcher. Quoi qu’il en soit, nous avons surtout réduit le nombre d’étapes pour le bien de notre santé mentale.

Merci, mon amour, d’avoir voulu voir un film de 2h40 en Hindi sans sous-titres juste pour le plaisir de voir des danses, des costumes, des moustaches et les plus gros bijoux de narine que j’ai vus de ma vie. Ces films sont une caricature du quotidien. Ici, les couleurs sont partout. Dans les vêtements, les temples, les kolams, les camions, les bus, les peintures murales et j’en oublie. Les femmes rivalisent de dorures dans leurs bijoux ou brodées dans les saris. La musique est omniprésente dans la rue, dans les bus, les voitures ou simplement dans les têtes (il n’est pas rare de croiser un Indien qui fredonne). La danse selon notre expérience est enseignée aux jeunes enfants, garçons et filles. Des « festivals », il y en a partout et au moindre prétexte, semble-t-il. Je pense que les Indiens cherchent juste des excuses pour mettre de la musique à fond dans la rue toute la journée. Pour les moustaches par contre, je n’ai pas d’explication. C’est à la mode, voilà tout.

Merci, mon amour, d’avoir trouvé des lieux de randonnée dans les champs de thé et des réserves d’animaux sauvages (même s’ils étaient aux abonnés absents), de nous avoir emmenés au chaud, de nous avoir conduits du golf du Bengale à l’océan Indien. Merci, car je prends énormément de plaisir à me dépatouiller dans ce pays qui m’attirait autant qu’il me faisait peur et qui est en train de me conquérir, tout comme toi.

Voyons maintenant si le Kerala nous réjouira autant que le Tamil Nadu. Quoi qu’il en soit, merci Gabrielle.