Maaaaaaiiiiiiis

Mon premier et seul souvenir d’enfance de camping a duré 12 heures et se résume ainsi: « Aaaaah! Heilllle! Ouch! Ailllllle! Aaaaaarrrggg », une série d’onomatopées traduisant le désarroi de mon père.

En vérité, notre seule sortie de camping en famille nous l’avons à moitié passée chez les voisins, des pros du plein air bien équipés, à moitié dans l’auto, pour se sauver de la pluie.

Tout du camping semblait compliqué : du montage de la tente, à la préparation de la bouffe, au calcul du bon moment pour dérouler les sacs de couchage – assez tôt pour que la tente soit aménagée l’heure du dodo venue, mais assez tard pour que l’humidité ne s’immisce pas trop, en passant par le roulage de ce fameux sac de couchage toujours trop volumineux pour l’enveloppe prévue pour le ranger, à la gestion des insectes dans la tente, dans les assiettes, bref, un peu partout.

À notre retour à Montréal, il aura fallu moins de deux heures à mon père pour décharger la voiture; rapporter la tente achetée deux jours plus tôt chez Canadian Tire, roulée en tapon et encore mouillée; expliquer au commis du service à la clientèle que « ça prenait l’eau cette maudite affaire-là » et se promettre de ne plus, jamais, JAMAIS mettre les pieds sur un terrain de camping.

Riche de cette expérience, j’ai toujours hhhhaaaaaaaïs le camping. C’est long, c’est froid, ça pique et ça pue. J’en ai fait quelques fois pour suivre les amis, mais à part les marshmallows grillées dans le feu, je n’ai jamais ressenti l’appel de la vie sauvage. Pourtant, quand Jeff m’a parlé de l’idée de passer 3 semaines en camping-car en Nouvelle-Zélande, j’ai dit « ok ». Je n’ai pas tout de suite compris de quoi il s’agissait. J’ai momentanément omis la partie « camping » impliquée dans le mot « camping-car ».

Notre premier soir, nous sommes arrivés sur un site loin loin loin de tout, au fond c** du monde, avec une toilette sèche, une autre van comme la notre transportant des voyageurs pas mal plus expérimentés et beaucoup de végétaux. Et c’est tout. Nous n’avions pas d’eau, pas de bois, pas beaucoup de fun et pas trop d’indices de comment nous démerder. Mais nous l’avons fait. Jeff est descendu à la rivière chercher de l’eau, il a ramassé un tas de branches mortes pour faire un feu, j’ai préparé une omelette aux patates et nous avons trinqué au début de notre aventure. Nous nous sommes endormis à la lueur des étoiles et au son du bêlement des moutons « maaaaaaaaiiiis ».

Après une semaine de CAMPING-car, je peux dire que mon expérience se résume à ceci : mais.

C’est vraiment à l’étroit, mais nous avons tout ce dont nous avons besoin; les sites de camping à l’écart des villes sont les plus agréables, pour leur proximité à la nature, mais se laver à la tasse d’eau froide quand il fait 5ºC, c’est frisquet; les routes sinueuses me donnent des nausées dignes de mes lendemains de veilles d’adolescente, mais les paysages que nous découvrons à chaque tournant sont d’une beauté à couper le souffle; ça nous prend au moins 15 minutes chaque soir et des torsions yogiques de haut niveau pour arriver à faire notre lit qui est en fait un montage de planches de bois dont la dureté est à peine camouflée par de minces coussins, mais nous avons la chance de nous endormir sous un ciel étoilé, bercé par le doux bêlement des moutons : maaaaaaaaiiiiiiiiis.