Je me souviens encore de ma première longue longue sortie de course. C’était pour l’entrainement du marathon de Toronto en 2015. Moi qui n’avais jamais couru plus de 2 heures, je me retrouvais à traverser le pont Jacques-Cartier, toucher l’île Jean-Drapeau, frôler habitat 67, passer par le Vieux-Port, fouler le canal Lachine, savourer (hum. Hum. Ne nous mentons pas : rendu là, ça commençait à faire mal un peu) la montagne, avant de rentrer. Chaque fois que j’arrivais à un endroit clé, je m’émerveillais de pouvoir découvrir ma ville en courant. Faire le tour de la Montagne, aller dans des quartiers jusqu’alors accessibles à vélo ou en bus, traverser ma ville du nord au sud, avait quelque chose de complètement enivrant.

Depuis le marathon de Boston (lire l’article) j’ai réduit de beaucoup mon volume de course. Pour tout vous dire, mon expérience de ce deuxième marathon a eu raison de mon plaisir de courir. J’avais plus le goût. L’idée d’aller courir m’écœurait. Pour vrai. Moi qui ait tellement aimé courir je me retrouvais à devoir me faire violence pour faire une petite sortie, question de ne pas trop perdre la forme. La plupart de ceux à qui j’osais partager mon dégoût me répondaient que ça reviendrait, que ben oui ! j’allais refaire un marathon un jour, que je faisais des promesses d’ivrognes quand je disais que Ô non, plus JAMAIS on ne m’y reprendrait !

Les conséquences de mon écœurantite aigüe sont multiples :

  1. Il a fallu que je reconnecte avec le plaisir de courir, et ce malgré le manque d’envie et une blessure lancinante et vraiment gossante
  2. Que j’accepte de ralentir le rythme et de faire le deuil de mes meilleurs jours
  3. Que le cardio en souffrirait et que l’égo aurait un peu bobo
  4. Qu’après ma grève de près de 5 mois — ouin, j’ai boudé longtemps — j’apprivoise de nouveau les « longues sorties ».

Ce matin, j’ai couru 85 minutes. Il y a 6 mois, alors que je m’entrainais pour le marathon de Boston, une sortie de 85 était considérée comme une petite sortie. C’était, en fin d’entrainement, la plus petite course de la semaine, celle qui est comme un pet à côté de celle de 3 heures à venir. Aujourd’hui, je regardais ma montre après une heure et je me disais que j’en avais bien perdu quand même…

Au-delà delà de tout ça, une des conséquences directes de ma décision de relâcher un peu est le type de trajet qui m’est accessible. C’est un calcul très simple : moins de minutes de course en plus de temps = vraiment moins de kilomètres parcourus. Ce qui veut dire que ce matin, je n’ai pas fait le tour de la Montagne ni passé par le Stade olympique, puis par le marché Atwater pour revenir par le musée des beaux-arts de Montréal. Non. Je suis retournée bien humblement — et avec le souffle un peu court — sur la montagne, que j’avais laissée il y a 6 mois. Elle n’a pas changée. Moi, oui, un peu.

Dimanche dernier, c’était mon tour de faire un test avec la GoPro, question de m’habituer à la porter durant la course. Je me suis levée, j’ai enfilé mes runnings et je suis allée me faufiler dans les ruelles et les recoins de ma ville encore endormie. C’était ma plus petite sortie de la semaine. Je ne pouvais me permettre de m’aventurer trop loin. J’en ai donc profité pour explorer quelques ruelles du quartier, qui m’ont révélé des murales, des jardins urbains dans des bacs de recyclages perchés sur les toits des cabanons, des ruches, etc. J’ai aussi eu droit à un super lever de soleil.

Je vous jure que j’ai filmé tout ça, pour vous montrer mes petites découvertes, mais les images qui en sont ressorties sont tellement h-o-r-r-i-b-l-e-s qui j’ai décidé de vous épargner. Ça shake plus qu’une chaloupe en pleine mer prise dans une tempête tropicale. J’ai eu le tournis juste à visionner mes rushsDommage.

Heureusement que Jeff a rattrapé le coup et qu’il a réussi à capter des images de sa course, sa plus longue sortie prévue à son entrainement de marathon. Je suis rentrée, avant la pluie, après avoir appréhendé les plus petits détails que ma ville a encore, après 32 ans, à me révéler, alors que lui s’apprêtait, à en faire un tour magistral de 39 km, sous la pluie. Nous nous sommes échangé un p’tit bec en guise de relais, puis il est reparti aussitôt.

Non. Je ne referai plus de marathon. Mais c’est bien quand même de pouvoir faire le tour de sa ville en courant… Courir sa ville, c’est bien. Imaginez, courir le MONDE ! Woouh ! Départ dans 25 dodos !