Octobre 2015, Toronto, un beau triplé de Mlle AT, Gab et moi. Nous voilà qualifiés pour le marathon de Boston. Un peu par surprise il faut le dire. Mais, puisqu’on y est, autant s’y préparer sérieusement. Ne serait-ce que pour se rendre la course un peu point difficile. C’est juste après cette qualification que j’ai passé 2 mois entre le Laos et la Thaïlande en passant par le Cambodge en janvier et février 2016.

Étant maintenant accro à l’endorphine, il est impensable de ne pas courir régulièrement. Et puis, mes 6 années d’expérience de course m’ont appris à quel point vitesse et endurance sont longues à gagner, mais rapides à perdre. J’allais donc continuer à courir pendant mon voyage pour conserver un bon fond. Sans pression et avec le plus de plaisir possible.

Je pense qu’un coureur découvre les endroits qu’il parcourt d’une façon qui lui est propre. Tout comme un cycliste, un chauffeur-livreur ou un piéton auront leur propre perception de l’espace et du temps. Tout est question de point de vue, de vitesse et d’attitude. Je pourrai m’étendre ici sur ce concept très vaste qui me fascine beaucoup, mais ça n’est pas vraiment le sujet du jour alors ne nous égarons pas. Recentrons le débat.

Nous sommes en janvier 2016 au Laos, il fait très chaud. Quelle que soit la période de l’année du reste. Ça n’est pas la saison des pluies dans cette ex-Indochine que deux de mes aïeux ont déjà foulé dans des conditions plus conflictuelles. Je pense à eux parfois. Me demandant s’ils sont passés par ces endroits que je visite aujourd’hui paisiblement.
Je privilégie les courses matinales pour éviter les grosses chaleurs. Et même là, je finis trempé quasiment à chaque fois. Je cours parfois très tôt (5 h-6 h). Soit avant de partir pour plusieurs jours d’excursions pendant lesquelles je sais ne pas pouvoir courir ou avant de prendre un transport pour une nouvelle destination où je n’ai aucune idée des possibilités de course. 

Ça me donne l’occasion de croiser la procession d’offrandes des moines à Luang Prabang, d’assister aux premières heures du marché à Paksé, de tourner autour d’Angkor Vat, d’affronter des pentes impressionnantes sur l’ile de Koh Chang en Thaïlande et j’en passe. Dans les villes, je croise souvent d’autres sportifs du matin. Des militaires ou des Chinois majoritairement. Quelques-uns courent et beaucoup pratiquent le Taï-Chi-Chuan.
Chez les passants les réactions peuvent aller de l’indifférence, à la peur chez les personnes âgées de la campagne. Les plus jeunes, amusés, me font coucou tandis que les hommes matures me lancent parfois des regards de défi.

Voici deux jours que je suis arrivé à Luang Prabang au Laos. Il est temps de partir pour ma première course. Je décide de partir tout droit vers le sud-ouest pendant 30 minutes puis de revenir. Passé le quartier touristique de cette ville classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, les trottoirs commencent à disparaître, laissant place à des obstacles aussi variés que des trous d’eau, des animaux et des gens. Ensuite, le trafic des motos se densifie l’air se viciant proportionnellement. Enfin, l’asphalte disparaît sur la route. Je m’arrête au moment où la ville semble prendre fin et la forêt commencer.
Jusque-là, une belle sortie qui correspond parfaitement à ce que j’avais imaginé… ou presque.

Mais c’est sur le chemin du retour que je me retrouve confronté pour la première fois à un chien. Il aboie, Il montre les dents et il se dirige vers moi avec beaucoup de conviction. Heureusement, le trafic l’empêche de traverser la route à sa guise.
Cette problématique va ensuite me suivre tout au long du voyage. Principalement au Laos et au Cambodge. Tandis que les chiens errants ont plutôt tendance à fuir, les domestiqués eux, protègent leur territoire. Ils n’aiment pas les gens qui courent, ça les rend agressifs. Quand ils sont présents, ça fait bien souvent rire les maîtres qui ne font pas grand-chose pour retenir leur animal.

J’ai fini par développer deux techniques. Arrêter de courir et passer mon chemin ou faire demi-tour suivant les cas. L’idée étant de ne pas croiser la bête une seconde fois bien entendu.
Instinctivement, par prévention, j’ai fini par privilégier les espaces publics sans habitations privées et les sites plus touristiques où moins de locaux vivent. J’ai aussi développé ma vue « longue distance » afin de repérer le plus tôt possible les potentiels trouble-fête qui allaient croiser ma route. Je pouvais ainsi les contourner ou de tout simplement modifier mon trajet avant d’arriver dans leur champ d’action.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, une fois passé ce premier chien j’ai poursuivi ma route et suis rentré à la Guest House. Deux jours plus tard, j’ai à nouveau enfilé mes baskets et modifié mon trajet. J’ai ensuite continué à courir 3 à 4 fois par semaine avec beaucoup de plaisir. Les levers de soleil (si chers à Gab), les gens qui commencent leur journée, les touristes encore couchés, autant de souvenirs que je ne jetterai jamais à aucun chien aussi agressif puisse-t-il être. Et c’est, entre autres, pour ça que Gab et Jeff vont retourner courir le monde prochainement et cette fois-ci ensemble.

C’est l’engagement qu’on a pris envers nous même !